Un Outil pour un Nouveau Savoir Musical

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Authorship
  1. 1. Louis Jambou

    Université Paris-Sorbonne, Paris IV (Paris-Sorbonne University)

  2. 2. Florence Le Priol

    Université Paris-Sorbonne, Paris IV (Paris-Sorbonne University)

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La musicologie a toujours été une discipline multi- et
interdisciplinaire, de nombreuses disciplines étant
pertinentes à l'étude de la musique et des textes musicaux:
l'histoire, l'ethnologie, la sociologie, l'informatique, la
linguistique... Le travail présenté ici illustre cette
interdisciplinarité. En effet, notre outil fait appel à des
compétences en histoire musicale et générale, théorie musicale,
linguistique et informatique et fait collaborer des chercheurs
du groupe«Lexique Musical de la Renaissance (LMR)» (EA
2560, Patrimoines Musicaux, Université Paris-Sorbonne) et du
laboratoire«Langages Logiques, Informatique Cognition
Communication (LaLICC)» (FRE2919, Université
Paris-Sorbonne/CNRS).
Cet outil se présente sous la forme d'un dictionnaire du langage
musical depuis la naissance de la théorisation musicale en
langue vernaculaire jusqu'au seuil de la formation du langage
tonal. Les entrées de ce dictionnaire sont fournies par les textes
eux-me􀀀mes; textes essentiellement en langues néolatines à
cause me􀀀me de la matrice de la théorisation musicale: le latin.
Il réunit des citations se référant aux modalités d'élaboration,
de production, de réception et circulation des savoirs théoriques
musicaux qui constituent la base de données du projet. Son
dictionnaire formera le fondement de la réflexion
musicologique: réflexion unilingue définissant les champs
sémantiques; réflexion interactive multilingue établissant des
rapports entre les termes et les concepts.
Le but final de l'outil est sans aucun doute la musique,
c'est-à-dire la partition produite au moment étudié. Mais au lieu
de lui appliquer une théorisation a posteriori et des schémas
musicaux/mentaux qui ne lui appartiennent pas, il est préférable
d'aller d'abord aux textes théoriques et pratiques de la musique
produite, ainsi qu'aux témoignages philosophiques, littéraires
ou didactiques sur la discipline. L'étude de ceux-ci, leur
élaboration à partir de leur contexte culturel et linguistique,
fournira un outil propre à saisir et à comprendre nouvellement
la musique de ce temps sans pour autant chercher à résoudre
la dichotomie entre langage et musique.
Des dictionnaires techniques de la musique existent: ils
présentent tous la caractéristique d'offrir une terminologie
appréhendée et définie à partir du moment où leurs éléments
sont conceptualisés et offerts à la consultation des spécialistes,
musicologues ou musiciens. Une contemporanéité,
d'aujourd'hui, qui offre à l'observateur un outil d'analyse
anachronique, pour le passé. Dans cette perspective, la réflexion
sur le terme musical est donc faite après sa mise en oeuvre dans
l'histoire par le musicien, le théoricien ou le praticien, au travers
d'un rideau temporel et de la superposition de strates-culturelles,
techniques et musicales, multiples.
Depuis des décennies la musicologie a, en partie, fléchi ces
orientations et le présent projet s'inscrit dans une lignée qui
n'est pas totalement novatrice. Nous remarquerons d'abord que
bien des études inscrivent leur réflexion sur le texte musical
ancien dans le contexte de la production théorique
contemporaine. Ainsi, pour s'en tenir à un exemple, les derniers
travaux de Margarita Bent (« Diatonic ficta»; Early Music
History, 4, 1984; trad. Français, Paris, Minerve,2003) ou Bonnie
J. Blackburn (« On compositional Process in the Fifteenth
Century»; Journal of American Musicological Society, 1987,
trad. Français, ibid.) sont en effet proches de la pensée musicale
théorisée de l'époque avant que de l'appliquer à leur approche
analytique des oeuvres mises à l'épreuve. Mais les critères de
sélection de ces textes ne sont jamais justifiés et ce ne sont que
quelques textes choisis qui viennent appuyer ou infléchir la
lecture dont l'on notera qu'elle se fait toujours dans un rapport
triangulaire (texte théorique + musicologue auteur + collègue
musicologue pris à témoin dans l'acquiescement ou la réfutation
de l'argumentation). Notre travail s'inscrit dans la lecture
textuelle de l'époque mais celle-ci se veut sinon exhaustive, du
moins totalisante. Par ailleurs nous ne chercherons pas a priori
à adopter une attitude favorable ou contraire à l'une ou l'autre
orientation musicologique actuelle. Seuls les résultats futurs
permettront, ou non, d'adopter une nouvelle épistémologie des
oeuvres musicales de la période considérée.
Durant la seconde moitié du XXe siècle, d'autres dictionnaires
tels que le « Handwörterbuch der musikalischen Terminologie
(Htm) » fondé par Hans Heinrich Eggebrecht ouvrent également
une voie nouvelle d'approche de la lexicologie musicale.
Cependant sa remarquable entreprise reste marquée par les
prospectives antérieurs et ne s'en affranchit que dans les années
1970-1980. A partir de ces dates naissent, avec les nouvelles
technologies, de nouveaux outils qui ont mis en ligne les textes
originaux (Université d'Indiana, USA: textes en latin, français
et italien) ou cherchent à en dresser des études lexicales (sur le
latin: prof. Bernhard, université de Munich en collaboration de l'université de d'Indiana; sur le corpus italien: prof. Wiering,
université d'Utrecht).
Le présent projet est plus proche du«Lessico italiano del canto»
(Canto) par son recours systématique aux textes contemporains
et aux disciplines conjuguées de la linguistique et de la
musicologie. Fondé en 1987 par le prof. Sergio Durante
(université de Padoue), le programme Canto recherche la mise
en rapport entre textes théoriques et musique mais cette
recherche s'effectue dans une aire géographique déterminée et
une temporalité définie. Cette recherche embrasse, en Italie,
les paramètres du phénomène du chant de 1600 à 1800.
Notre étude vise à d'établir la genèse d'une pensée proprement
lexico-musicale et de l'amplifier à d'autres aires linguistiques
et à d'autres temporalités. L'originalité de notre travail consiste
en la recherche d'une totale autonomie de la pensée musicale,
tant dans la formation du thesaurus lexical et des citations que
dans la réflexion menée sur le corpus.
Les objectifs finaux sont:
• de relire et repenser les traités de théorie et pratique
musicales, et autres écrits véhiculant le langage sur la
musique, de la période considérée;
• de dresser un corpus plurilingue des termes techniques, dans
un sens générique, touchant la musique en ses moments de
préparation, de production, de perception et de réception;
• de former un dictionnaire raisonné comprenant un répertoire
de citations pertinentes des différentes langues techniques
musicales vernaculaires en pleine élaboration dans leur
saisie du phénomène sonore;
• de définir le niveau de compréhension du phénomène sonore
en chaque langue et en des périodes distinctes c'est-à-dire
de réfléchir aux vitesses d'implantation, de consolidation et
d'évacuation ou permanence des termes/concepts dans la
langue technique;
• de créer une nouvelle articulation entre les deux niveaux de
langage en un projet sémiotique entre le langage théorique
musical et la propre création de l'objet musical;
• de redéfinir ainsi un outil de lecture interprétative et
d'analyse de la musique à partir de la perception des acteurs
de l'époque par la création de nouveaux champs de contenus
musicaux;
• de mettre à la disposition des chercheurs l'acquisition de ce
nouveau savoir, par l'accès à la base de données.
Les étapes préparatoires au projet ont fait l'objet d'échanges
entre les chercheurs afin de permettre de former des outils
favorisant un travail pouvant e􀀀tre mené en commun mais
également de façon autonome.
Le corpus bibliographique des langues principales (français,
italien, espagnol) a été constitué. D'autres langues sont appelées
à s'y joindre et demandent une approche bibliographique encore
en cours de réalisation (portugais, catalan, roumain...). Le choix
des textes, imprimés ou manuscrits, est établi au plus près de
l'édition originale qui sert d'unique référence. Si celle-ci est
inaccessible, il y aura lieu de recourir aux facsimilés ou films
des originaux. A défaut l'édition critique la plus fiable est
exploitée.
Un prototype de la base de données a été élaboré1 avec le
logiciel Microsoft Access. Gérée sur un poste unique, cette
base était alimentée par les chercheurs de manière indirecte et
n'était pas accessible en consultation. Chaque chercheur
effectuait sa propre campagne de relevés de citations et la
stockait dans un fichier Microsoft Word dont l'organisation
avait été préalablement discutée. Les fichiers étaient envoyées
à l'administrateur de la base de données qui y intégrait ces
données.
Pour le développement du projet, deux constats se sont imposés:
• les chercheurs impliqués dans la constitution des ressources
devaient pouvoir directement saisir leurs données et y
accéder;
• toutes les ressources devaient e􀀀tre mise à la disposition
de tous les musicologues, musiciens... par le biais d'internet.
Ainsi, du prototype développé avec un système de base de
données fermé, nous sommes passé à un système ouvert, basé
sur la trilogie Apache-PHP-MySQL, accessible sur internet
(<http://www.pm.paris4.sorbonne.fr/LMR>).
La base de données fournit aujourd'hui un réservoir de citations
et des définitions d'acceptions multiples à tout chercheur. Sa
mise en ligne permet un questionnement élaboré par la création
de liens de consultations ou d'interrogations qui intègrent les
exemples musicaux et les illustrations iconographiques contenus
dans les traités. Elle donne aux chercheurs participant à
l'élaboration des ressources constitutives de l'outil, un accès
sécurisé, pour la saisie, les modifications et les corrections de
leurs données et l'organisation sémantique du dictionnaire.
Cet outil vise un nouveau savoir musical où la formulation
d'une pensée musicale doit e􀀀tre linguistiquement autonome
dans une aire géographique donnée. Il doit favoriser
l'élaboration d'études spécialisées sur des champs précis de la
théorie musicale et permettre de faire apparai􀀀tre des
connexions entre ce corpus musical et la contemporanéité de
l'état social, politique et le savoir culturel: pouvoir et
institutions, philosophie et humanisme, nouvelles orientations
scientifiques.
1. Réalisé par Alexandre Dutra-Cançado (gorupe LMR, Patrimoines
Musicaux, Université Paris-Sorbonne), grâce à la collaboration de Detlev Schumacher (groupe Canto, Bibliothèque Nationale de
Florence)
Références
Musica e storia , X/1, Venise: Fondazione Ugo e Olga Levi,
2002. Actes du colloque tenu à Venise à la Fondation Levi, La
musica fra suono e parola: ricerche sul lessico musicale in
Europa (26-28 ottobre 2000 et corrodonnée par Fiamma
Nicolodi et Sergio Durante. Communications du groupe LMR:
• Chevalier, Jean-Claude, Delport, Marie-France, "De la
citation à la définition. Tañer et tocar. Ou: «jouer n'est pas
souffler»", pp 15-26.
• Robledo, Luis, "El léxico musical en el contexto humanista
español: la prosa didáctica y la preceptiva retórica",pp
151-164.
• Jambou, Louis, Dutra-Cançad, Alexandre, "Les genres grecs
dans la théorie musicale de la Renaissance en langue
vernaculaire: l'exemple de l'espagnol", pp 165-184.
De la lexicologie à la théorie et à la pratique musicales , actes
du colloque tenu en Sorbonne le 16 juin 2001, textes réunis par
Louis Jambou, Paris, Editions hispaniques, 2002. Contient les
textes suivants:
• Durante, Sergio, «Per un incontro di lessicologia musicale»,
pp 7-10.
• Jambou, Louis, «La temporalisation dans les traités
musicaux: l’exemple de Bermudo (1555) et de Sancta Maria
(1565)», pp 11-22.
• Robledo Estaire, Luis, «Una taxonomi􀀀a ética de la
mu􀀀sica: el Libro primero del espejo del pri􀀀ncipe
christiano (Francisco de Monzón), pp 23-30.
• Olmos, Ángel Manuel, «L’acoustique chez Francisco Tovar
et les théoriciens du début du XVIe siècle: le tapage des
sphères», pp 31-41.
• Grasso Caprioli, Leonella, «Note per uno studio
lessicografico sul canto in Rossini», pp 43-56.
• Chevalier, Jean-Claude, Delport, Marie-France,«De
l’enseignement d’un corpus», pp 57-69.
Journée d'études autour des projets "LMR" (Paris-Sorbonne)
et "Canto" (Univ. Padoue) , 1 avril 2000. Sorbonne. Avec la
participation de Madame Grasso Caprioli (Un. de
Padoue/Bologne) et Monsieur Schumacher (BN Florence).
Journée d’études «Musique ancienne en Sorbonne» , 2 juin
2006, Maison de la Recherche, Sorbonne, Paris. Présentation
par Florence le Priol et Louis Jambou des Problématiques et
enjeux du«Lexique Musical de la Renaissance» (LMR)

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