Université de Montréal
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Introduction et cadre conceptuel
L'édition critique numérique, part active des Humanités numériques, bénéficie aujourd'hui d'un temps de recul suffisant pour dresser les premiers bilans des travaux édités sur le web. En effet, les premières éditions numériques ont aujourd'hui près de 20 ans : Peter Robinson a entrepris son projet d'édition des Canterbury Tales (Les Contes de Canterbury, au nombre de 24, ont été écrits par Geoffrey Chaucer au XIVe siècle. Le texte est écrit en moyen anglais et en vers) en 1993 pour en livrer une première version sur Cd-rom en 1996. De même, c'est en 1993 que Jerome McGann a lancé son projet The Rossetti Archive, avec l'objectif d'éditer l'ensemble de l'œuvre de l'écrivain anglais Dante Rossetti (1828-1882, peintre et écrivain britannique).
D'ailleurs, les éditeurs numériques eux-mêmes se plient régulièrement à l'exercice d'analyse de leur méthode (McGann, 2010 ; Robinson, 2004, 2010). Leurs réflexions sont nourries par leurs propres expériences et elles tirent également profit des études menées par les chercheurs spécialisés en Sciences de l'Information et en Humanités numériques qui s'appliquent, depuis quelques années, à théoriser l'édition critique numérique (Apollon et al., 2014, Burdick et al., 2012, Pierazzo, 2015, Sahle, 2013, Vanhoutte, 2010).
Au cours de cette présentation, nous allons précisément nous appuyer sur cette littérature analytique pour nous intéresser à la question de la réception et de la prise en compte de publics divers dans les
éditions numériques.
Problématique
De fait, contrairement aux éditions critiques publiées sur papier, les éditions numériques semblent bénéficier d'un avantage certain : il s'agit de la possibilité offerte à l'éditeur de multiplier les voies d'accès au texte qu'il édite.
Dans une édition critique traditionnelle, publiée sur papier, l'éditeur propose une voie d'accès unique, qui prend forme dans son texte final établi, résultat de son interprétation critique des manuscrits témoins étudiés. Il adresse son édition à un public donné et travaille ensuite à rendre son étude conforme aux attentes de ces lecteurs préalablement identifiés. Pour qu'un même texte soit adressé à des publics divers, les éditeurs sont contraints de multiplier les éditions, ciblant un lectorat précis à travers chacune d'elles : les étudiants et leurs professeurs dans le cadre universitaire ; les chercheurs ; un public élargi, intéressé par l'édition savante des grandes œuvres.
Dans l'édition numérique, le format d'encodage XML/TEI permet de multiplier les niveaux d'information dans un même texte. L'éditeur peut ainsi coder des informations analytiques très diverses et choisir ensuite, de les présenter, ou non, aux lecteurs. Ce faisant, il peut décider de cibler plusieurs types de réception en adéquation avec les niveaux d'informations analytiques encodées. Il lui est alors possible de proposer les accès multiples et diversifiés qui répondent le mieux aux attentes des lecteurs ciblés.
Généralement, les projets d'éditions critiques numériques rassemblent, dès leur conception, des philologues pour établir le texte et des informaticiens pour s'occuper de la publication web et de l'élaboration de la plateforme de consultation. Ces équipes interdisciplinaires traitent à la fois les questions de philologie et les aspects liés à l'ergonomie et à l'« utilisabilité » de l'édition critique en cours de préparation. Désormais, dans le monde de l'édition numérique, le travail réalisé sur la réception de l'édition et l'accompagnement du lecteur est tout aussi important que la traditionnelle valorisation des sources philologiques.
La question qui nous occupe est donc celle de la prise en compte réelle de la diversité des publics dans
l'édition numérique. Les outils techniques donnent -théoriquement du moins - la possibilité de multiplier les accès aux textes en fonction des lectorats. Qu'en est-il exactement ? Les éditeurs parviennent-ils réellement à multiplier les voies d'accès aux œuvres proposées ? Comment prennent-ils en compte, dans la préparation de la réception, la diversité des lecteurs et de leurs attentes ?
Méthodologie
L'édition numérique se situe pleinement dans le champ des Humanités numériques et, pour étudier cette question de la réception, nous allons adopter une méthodologie propre à ce champ disciplinaire, qui allie recherche et expérimentation.
Notre présentation se déroulera donc en deux temps. Nous allons tout d'abord mener une étude analytique sur un corpus d'éditions numériques sélectionnées à cet effet. L'objectif est de caractériser le positionnement des éditeurs numériques et d'observer les moyens qu'ils mettent en œuvre pour parvenir à cibler des publics différents sur une même plateforme de consultation des contenus, en proposant pour chacun d'eux des informations propres.
Ensuite, dans un deuxième temps nous présenterons les propositions concrètes que nous avons pu développer sur un petit corpus d'expérimentation. Au cours de la réflexion que nous avons menée sur une édition numérique d'un corpus de textes médiévaux, nous avons en effet cherché à multiplier les niveaux de réception et les modes de présentation des informations analytiques, en fonction de nos publics-cibles.
Résultats attendus
Partie I - analyses d'éditions numériques existantes
Pour étudier cette question, nous allons tout d'abord analyser un corpus d'éditions numériques sélectionnées par choix raisonné. Nous avons constitué un corpus de quatre éditions numériques qui se démarquent, dans le paysage éditorial contemporain, par l'attention portée, par les éditeurs, aux publics multiples. Les éditions critiques numériques retenues pour notre corpus d'observation sont diverses puisqu'elles portent sur des documents d'archives comme sur des œuvres littéraires.
Pour mener notre étude, nous avons élaboré une grille d'observation. Cette dernière est concentrée sur trois pôles : le texte édité, les outils de navigation et recherche, les outils de communication et de travail participatif proposés aux lecteurs. Les éditeurs y manifestent les particularités propres à chacun des publics cibles et y présentent des informations adaptées à chacun d'eux.
Les observations que nous ferons nous permettront alors de dégager des tendances et caractéristiques des éditions numériques afin de comprendre comment les éditeurs organisent, dans les plateformes de consultation de leurs éditions, les réceptions multiples.
Partie II - expérimentation sur un corpus littéraire médiéval
Dans un deuxième temps, nous allons confronter notre réflexion à notre propre travail d'expérimentation. La question des publics a été au centre de nos préoccupations lors de l'élaboration de notre édition numérique, et nous avons développé un schéma d'encodage permettant, précisément, de faire coexister des niveaux de réception multiples. Nous avons encodé et préparé la réception d'un ensemble divers d'informations analytiques : variantes philologiques, informations de critique littéraire, informations contextuelles. Ces informations sont alors présentées de manière coexistante mais distincte : certaines sont préparées en direction du public philologue spécialiste, d'autres en direction d'un public littéraire averti, d'autres en direction du grand public. Nous allons présenter notre édition actuellement en cours de réalisation, et expliciter la mise en place des niveaux de réception tels que nous les avons élaborés dans notre travail.
L'objectif de cette communication est ainsi de participer à une réflexion sur l'accès multiples aux textes ainsi que sur la prise en compte des niveaux de réception dans la préparation des éditions numériques.
Bibliographie
Apollon, D., Belisle, C., Régnier, P. (2014). Digital Critical
Editions. University of Illinois Press.
Burdick, A. et al. f2012). Digital humanities. Cambridge:
MIT Press.
Gold, M (dir.) (2012). Debates in the Digital Humanities. Minneapolis, University of Minnesota Press.
McGann, J. (2010). « Electronic Archives and Critical Editing », Literature Compass, vol. 7, no 2, p. 37-42.
Pierazzo, E. (2015). Digital Scholarly Editing. Ashgate.
Robinson, P. (2010). « Editing Without Walls », Literature
Compass, vol. 7, no 2, p. 57-61.
Robinson, P. (2004). « ... but what kind of electronic editions should we be making? », University of Cologne.
Sahle, P. (2013). Digitale Editionsformen : zum Umgang mit der Überlieferung unter den Bedingungen des Medienwandels, Norderstedt, BoD, 3 vol.
Vanhoutte, E. (2010). Defining electronic editions: a histor-
ical and functional perspective. In Text and Genre in Reconstruction. Effects of Digitalization on Ideas, Behaviours, Products and Institutions. Cambridge: Open Book Publishers, pp. 119-144.
Warwick, C., Terras, M., Nyhan J. (2012). Digital humanities in practice. London: Facet Publishing in association with UCL Centre for Digital Humanities.
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Aug. 8, 2017 - Aug. 11, 2017
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