Quelques réflexions sur l'effet propédeutique des catalogues des collections des musées en ligne

paper
Authorship
  1. 1. Corinne Welger-Barboza

    INVISU - Institut national d'histoire de l'art, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Work text
This plain text was ingested for the purpose of full-text search, not to preserve original formatting or readability. For the most complete copy, refer to the original conference program.

Pour la discipline de l’histoire de l’art,
l’environnement du Web a pu sembler propice
à un rééquilibrage ou à de nouvelles alliances
entre institutions patrimoniales et académiques,
ne serait-ce que pour instaurer «un nouveau
partage de l’image» (Welger-Barboza, 2006).
L’accessibilité croissante de corpus d’images
et de sources (Greenhalgh, 2004) est restée
majoritairement le fait des musées. Et l’on
peut considérer que – à l’exception notable des
antiquisants et des médiévistes, équipes souvent
pluridisciplinaires – les enseignants-chercheurs
en histoire de l’art sont encore faiblement à
l’initiative de corpus d’étude outillés (
Archives
)
répondant aux démarches et méthodes propres
à l’histoire de l’art (CLIR Seminar Report 1988).
L’implication des musées en ligne depuis
15 ans jusqu’au Web 2.0 a donné lieu à
une littérature abondante.
1
Mais l’attention
portée aux publics par les protagonistes inclut
rarement les historiens de l’art, c’est-à-dire
la visée de l’exploitation scientifique de ces
productions, tandis qu’il est fait peu de cas
des catalogues des collections, en tant que tels.
Pourtant, l’offre en ligne des musées mérite
d’être prise en considération du point de vue
de l’histoire de l’art, émanant de l’un de ses
deux corps (
Haxthausen
, 2002). Dans cette
perspective, nous voulons montrer comment les
musées prennent une part non négligeable au
développement des
Digital Humanities
et plus
particulièrement, au titre de la mise en ligne des
catalogues de leurs collections.
Au croisement des missions professionnelles,
scientifiques, éducatives du musée et de son
immersion dans l’évolution de l’environnement
sociotechnique du web, la présentation des
collections des musées en ligne s’inscrit dans
le prolongement d’un outil stratégique de la
discipline, le catalogue. En tant que tel, il
est tout à la fois l’héritier de l’histoire du
catalogue imprimé dont le geste initial revient
au Catalogue Crozat (Recht,1996), des tables
d’inventaires des collections et de l’intelligence
mécanicienne du «montrer-s’orienter-classer»
dont Patricia Falguières situe la source dans
les Chambres des merveilles (Falguières, 2003;
1996). Informatisés, les corpus instrumentés
que sont devenus les catalogues explorent des
relations nouvelles entre les textes et les images,
entre l’œuvre singulière et l’ensemble formé par
la collection. Grâce à leur accessibilité en ligne,
ces catalogues, directement issus de l’activité
des conservateurs, exposent le socle commun
aux «deux histoires de l’art»; en même temps,
ils font partie intégrante de l’offre éducative du
musée à l’adresse de publics indéterminés.
A partir de nos recherches actuelles sur les
bases des collections des musées en ligne, nous
étudions plus particulièrement les choix opérés
pour l’indexation ainsi que les approches des
œuvres par l’image. La problématique générale
tend à identifier et caractériser, à partir de la
pluralité des propositions, les rapports établis
entre, d’une part, les opérateurs de navigation
au sein des corpus et, d’autre part, l’offre d’un
espace d’examen des objets individués.
1. Entre décrire et voir,
l’ajustement du point de vue
A ce stade, nous envisageons que ces deux
composantes essentielles, à savoir: l’indexation,
plus particulièrement l’indexation sujets, et les
outils de visualisation-manipulation de l’image
– d’ailleurs également caractéristiques des
corpus d’étude outillés (
Archives
) – participent
ensemble à la mise en œuvre de points de vue
sur les œuvres et la collection. Cette question
du point de vue, prise dans sa polysémie, unit
les deux familles d’outils mentionnés ci-dessus.
L’indexation, outre l’identification, désigne,
oriente la recherche et constitue un dispositif
de médiation entre l’autorité de l’institution
et les utilisateurs de la base de données.
L’instauration d’un espace virtuel d’étude des
objets sélectionnés les dégage du référent du
catalogue imprimé; l’image est ainsi disponible

2
au traitement et livrée à une série de gestes de la
part des utilisateurs.
La communication illustrera une étape du
travail en cours par deux exemples: le
système d’indexation adopté par
Tate Online
et les instruments de vision rapprochée et de
comparaison du LACMA (
Los Angeles County
Museum of Art
). Ces deux propositions, outre
leurs qualités intrinsèques, sont exemplaires
dans la mesure où elles offrent une
représentation plausible et plus achevée
que d’autres
2
des fondamentaux revendiqués
unanimement par la discipline, à savoir la
description et l’examen visuel des œuvres.
Les descripteurs de
Tate Online
(Glossary
3
) sont
issus pour une grande part de l’ICONCLASS,
vocabulaire contrôlé à l’usage des professionnels
auquel des catégories thématiques ont été
ajoutées. Ainsi, le lexique de la
Tate Online
satisfait à l’exercice académique de description,
dans la mesure où les catégories retenues et
leurs ramifications s’appliquent à déterminer
le rattachement aux courants artistiques, à
identifier les sources et l’iconographie tandis
qu’une forme d’interprétation prend appui
sur des «concepts, sentiments, idées». En
renfort, les thèmes (nature, occupations, loisirs,
etc.) établissent un pont entre des approches
interprétatives spécialisées et non spécialisées.
Cet appareil discursif permet la lecture et
la situation de chaque œuvre au sein de la
collection; en outre, choix original, il s’actualise
en s’exposant lors de l’affichage de chaque
œuvre. Enfin, des rebonds sont proposés à
l’utilisateur, grâce au croisement de termes
placés à des degrés différents d’arborescence
dans chaque catégorie. La formule laisse du jeu
à l’utilisateur pour circuler au sein du cadre
construit par le musée qui propose une lecture
informée et savante partie prenante d’une
propédeutique de l’histoire, du point de vue
du musée. Un véritable complexe composé des
descripteurs, de l’exposition de leur architecture
et des rebonds de classification soutient la
stratégie de médiation du musée.
Le «Viewer» du LACMA présente, d’une autre
façon, un cas de figure intéressant. Dégagées du
catalogue, les œuvres sélectionnées s’inscrivent
dans un espace dédié à la visualisation.
Elles se prêtent à la possibilité d’une vision
exceptionnellement rapprochée grâce à la
numérisation de bonne résolution d’une partie
de la collection (malgré des inégalités de
traitement). Le point de vue sur l’objet
s’est autonomisé des catégories pré-établies
pour se donner libre cours. Si le LACMA
n’est pas le seul à proposer des visions
rapprochées d’un degré important, il présente
l’intérêt original de combiner le zoom à un
comparateur d’images, dressant ainsi le cadre
virtuel d’une table lumineuse. Ici, le dispositif
invite à un exercice propédeutique: l’approche
méthodique de l’examen visuel et comparatif.
Incontestable quant à sa pertinence dans
la pratique disciplinaire, cette représentation
suscite néanmoins l’interrogation à un double
titre.
Hypostasiée, l’approche visuelle ne réduit-elle
pas l’ensemble des méthodes, documentaires
notamment, dans lesquelles elle s’inscrit pour
faire sens, y compris dans une perspective
«attributionniste» ? En second lieu, la
popularisation de la posture de l’examen
visuel – auquel le LACMA contribue –
laisse dans l’ombre la diversité des emplois
de la vision rapprochée dans l’étude des
œuvres, grâce à l’imagerie numérique, selon
des conditions variables: vision des détails ?
Vision de l’invisible à l’œil nu ? Ainsi
de la relation ambivalente entre l’œuvre
et le document : vision rapprochée du
document ? Vision rapprochée de l’œuvre par
le document, dans la lignée de l’imagerie
scientifique ? En ce sens, n’avons-nous pas
affaire à une représentation mimétique de gestes
emblématiques de l’historien de l’art dans son
cabinet d’étude ?
Ainsi, les musées contribuent d’une façon
décisive à la prégnance progressive des
Digital Humanities
dans la représentation et
l’éducation de l’histoire de l’art à l’adresse d’un
large public. Les catalogues des œuvres en ligne
proposent des figures plurielles où se manifeste
l’abandon du référent imprimé au profit de
jeux dynamiques où s’affirme l’autonomie des
dimensions discursives et visuelles. Celles-
ci sont porteuses d’enrichissements et de
contradictions. D’autres approches, portées par
des collections, des corpus formés et informés
dans le cadre de l’université - notamment
des collections individuelles ou collectives –
peuvent bénéficier de ces propositions dont le
musée est prolixe; de ce point de vue, on peut

If this content appears in violation of your intellectual property rights, or you see errors or omissions, please reach out to Scott B. Weingart to discuss removing or amending the materials.

Conference Info

Complete

ADHO - 2010
"Cultural expression, old and new"

Hosted at King's College London

London, England, United Kingdom

July 7, 2010 - July 10, 2010

142 works by 295 authors indexed

XML available from https://github.com/elliewix/DHAnalysis (still needs to be added)

Conference website: http://dh2010.cch.kcl.ac.uk/

Series: ADHO (5)

Organizers: ADHO

Tags
  • Keywords: None
  • Language: English
  • Topics: None